Le pouvoir individuel est un levier de performance collective !
En entreprise, les rapports de pouvoir sont permanents, mais le sujet reste très souvent tabou. Connoté négativement, le terme même de “pouvoir“ est peu usité surtout lorsqu’il s’agit d’un désir d’emprise ! On entend peu dire “ je veux plus de pouvoir“. Cela est délicatement sous-entendu dans l’expression d’une recherche de périmètre plus large ou de responsabilités hiérarchiques plus grandes.
Le pouvoir individuel est une véritable réalité à l’instar de l’intelligence. Et il est vrai que certaines entreprises ne parient ni sur l’intelligence de leurs collaborateurs ni sur leur pouvoir ou leur sens des responsabilités. Et il y a là une vraie perte de potentiel pour les équipes et un champ d’investigation qui s’ouvre pour les managers désireux d’innover dans leur management.
Dans une équipe, qu’ils soient managés ou pas, les pouvoirs des collaborateurs interfèrent, s’allient, s’opposent ou s’annulent. Ces rapports de pouvoir, si ils sont utilisés, améliorent la dynamique et par conséquent le potentiel de la performance d’équipe. En revanche, si ils ne sont ni encouragés ni pris en compte, ce ne sont que dissensions et passivités.
« Ceux qui trouvent le pouvoir amusant confondent pouvoir et abus de pouvoir »
A. Malraux
Qu’est-ce que le pouvoir ?
Le pouvoir se définit comme la capacité de faire faire quelque chose à autrui. Il se mesure à la quantité d’influence que l’on a sur autrui. Cette influence s’exerce au travers du rapport entre deux personnes, dans lequel l’une incite l’autre à modifier son attitude ou son comportement. Ce pouvoir sur l’autre s’exerce à partir de la détention d’une source (de pouvoir) : savoir, rapport force, argent, capacité à sanctionner ou à satisfaire un besoin chez la personne influencée, etc.
Si on y regarde bien, dans une équipe, il y a une multitude de pouvoirs, souvent en jachère. Or, on sait bien que la dynamique d’une équipe ressort en grande partie de l’acceptation, de l’utilisation et de la combinaison de ces pouvoirs ou de ces talents. Un talent reconnu par le manager et par l’équipe devient un pouvoir nouveau.
L’influence ainsi exercée par chacun agit sur chacun des autres : le chef a un pouvoir sur l’équipier et ce dernier en a un sur le chef. Le groupe influence l’équipier et est influencé par lui, etc. Et à partir de son statut, de sa fonction de sa place, de son talent ou de ses qualités chacun se constitue et maintient une source de pouvoir.
Réussir l’équilibre des pouvoirs
Envisager l’équipe sous l’angle des rapports de pouvoirs engage le manager à jouer de ces pouvoirs en évitant de les brider. L’enjeu repose alors sur le maintien de l’équilibre entre les différents pouvoirs en présence.
Pour modéliser cette théorie, en s’inspirant des travaux de N. Maier (*), on peut situer ces actes de management (G) à l’intérieur d’un triangle dont chaque angle représente un type de pouvoir : le pouvoir hiérarchique du chef (A); le pouvoir démocratique du groupe (B); le pouvoir individuel de chacun des membres (C).
Un management qui se situerait trop dans le registre hiérarchique (proche du pôle A) laisserait s’affaiblir la cohésion (résultante du pôle C) et la mobilisation individuelle (pôle B), par non utilisation de ces pôles.
Le manager obtiendrait des résultats du fait de l’autorité formelle et de la contrainte, mais ne pourrait plus compter sur le tissu cohésif ou l’engagement de chacun. Ainsi, il y a un continuel rapport d’équilibre des pouvoirs.
On pourrait établir une sorte d’équation de ces rapports à partir du dialogue intérieur suivant : « J’accepte votre influence (votre pouvoir) en fonction de la satisfaction qu’elle me procure compte tenu de mes souhaits. Si vous me forcez (hiérarchiquement par exemple) sans tenir compte de mes besoins, j’exerce mon pouvoir de façon négative (rétention, entrave, passivité, rébellion). Ce discours peut être tenu par chacun des pôles, à partir des sources de pouvoir qui sont les siennes.
En conclusion, nous pouvons affirmer que la dynamique repose sur la gestion des interactions entre les différents pouvoirs de l’équipe. Un manager devrait s’attacher à rechercher un équilibre (milieu du triangle) sur la moyenne de ses actes managériaux. Il maintiendra, sur le long terme, une dynamique génératrice de performance collective : puissante pour le groupe, utile pour l’entreprise et mobilisante pour chacun.
Isabelle André
(*) Cité par Olivier Devillard dans la Dynamique des équipes.